Derrière la fenêtre je regardais mes parents s’affairer à charger les valises dans le coffre de la voiture rouge. La voiture familiale. Même chose tout les mois de juillet. Je trépigne d’impatience à l’idée de partir, loin, très loin. Loin de la maison, de l’école, des copains de cours de récrée et tout ce qui va avec la banalité de la vie quotidienne… Comme à son habitude mon paternel, prenant son rôle de chef de tribu très à cœur, décidait de tout, absolument tout ! Ma mère quand à elle se contentait de le laisser agir, j’en faisais de même postée derrière ma fenêtre. Destination : la plage.
C’est ce jour là où nous avions, mes frères et moi, le droit de s’habiller comme de vrais touristes, des aventuriers des sables. « La classe » comme on disait. Cette journée avez pour nous une odeur spéciale, pas celle de l’école ou des jours de pluie. C’était belle et bien l’odeur de l’aventure, de la liberté. Que voulait dire la liberté pour des marmots ? Les grasses matinées, les veillées tardives, les copains de vacances (ceux que l’on ne garde seulement un seul été).
Pendant que les parents préparaient la voiture, d’un rouge flamboyant pour le départ, mes frères pris de folie courraient partout, autour de tout, pour n’importe quoi. Leur rires s’élevaient de la maison vide, déjà laissée derrière nous. Rire nerveux, peut-être, de joie, certainement. Joie, rire, joie, courir, courir vite après.. Après quoi ? Du vent.
Même le temps y était. Le temps ? Le ciel, bien sûr contrairement au temps qui bizarrement ralenti lorsque nous attendons un départ imminent. Il faisait en général chaud, très chaud, lorsque nous préparions les valises puis la voiture pour les vacances. C’était étrange comme le beau temps jouait sur le temps lui-même. Il mêlait les odeurs des fleurs et les odeurs du départ en vacances. Fusion olfactif. Mais pas que…
Ce jour là, tout paraissait plus beau. Le rouge de la voiture était plus rouge que jamais, les gens paraissaient plus agréables, même les petits frères… Moi je restais impassible, j’attendais. J’attendais l’heure du départ, celui qui sonne le début d’une nouvelle vie, une vie parallèle à celle qui l’on vie la semaine, celle qui est ritualisée : levée telle heure, départ telle heure, école (maths, grammaire ect…), récrées, sorties telle heure, couchée telle heure et on recommence, sans fin jusqu’au prochain départ. Les vacances c’est l’inverse, exactement l’inverse. C’est ça l’aventure, dé-ritualiser nos vies si bien organisées. C’est ce que représentent les vacances, les vraies.
Même si les valises sont les mêmes d’une années sur l’autre, même si je n’avais pas changé de frères depuis l’été d’avant, c’était certainement le moment le plus heureux de l’année. Une joie qui serait ardue de raconter après des années de non-départs. Ellipse.
Le temps s’est envolé, les souvenirs sont vagues. Les aventures ne sont plus ou du moins ne sont plus les mêmes. Plus de voiture rouge mais grise, plus de voiture de famille mais la mienne, plus de petits frères mais des amis… Mais pas que ! Fenêtre, rouge, attente, voiture, courir, courir, odeur, envie et puis plus rien.